Entretien avec un Guerrier de la fonte : Stéphan Canetti

stéphan canetti

 

ENTRETIEN AVEC UN GUERRIER

Stéphan CANETTI, ce guerrier de la fonte, fréquente l’institut depuis son ouverture. Au fil de ses visites il me fait découvrir son sport et sa passion : LE CULTURISME.

Avec lui J’ai pu assister à 2 compétitions devant et derrière la scène.

Curieux et admiratif du travail et de la détermination de ces athlètes j’ai voulu en savoir plus. Le récit de notre échange :

 

 

MON ACTIVITE PROFESSIONNELLE

J’ai 3 activités :

La première est celle de prof de musculation destinée aux personnes qui souhaitent faire de la musculation de renforcement, de plaisir sans objectif lié à un autre sport.

Je suis également préparateur physique pour les personnes qui ont une activité sportive principale et qui souhaitent progresser dans cette discipline. Je me sers entre autres de l’outil musculation pour les faire progresser dans leur discipline.

Et je suis également diététicien ce qui me permet de régler les désordres alimentaires principalement dans le cadre de la pratique d’une activité sportive.

 

J’AI TOUJOURS AIMÉ FAIRE DU SPORT

J’ai toujours été sportif. Mon papa aussi, il était professionnel de football. J’ai commencé gamin à jouer au tennis puis, plus tard, je me suis mis à la course à pied.

J’ai toujours aimé faire du sport. Mais je n’envisageais pas à cette époque faire de la musculation.

 

LE CULTURISME, J’Y SUIS ARRIVÉ PAR HASARD

Depuis mon adolescence, je faisais de l’athlétisme sur Nîmes. J’ai été muté pour le travail sur Montpellier.

De nouveaux horaires, des trajets matin et soir ne me permettaient plus de m’entrainer convenablement. Comme je ne fais pas les choses à moitié j’ai arrêté l’athlétisme.

Je souhaitais quand même m’entretenir. Je me suis inscrit dans une salle de sport dans l’unique but de faire du cardio sur ma pause déjeuner. Dans cette salle, j’ai rencontré une amie prof de fitness. Avec elle je me suis entrainé dans un premier temps sur des machines. Je me suis pris au jeux, j’ai laissé tomber le cardio pour m’entrainer avec des barres, des haltères.

C’est arrivé comme ça, petit à petit.

Ma première compétition c’était uniquement pour découvrir, sans prétention particulière. J’ai fait un très bon résultat. C’était encourageant et ce bon classement m’a amené à la compétition suivante. C’était le début il y a maintenant une vingtaine d’années.

 

130KG À LA VILLE, 100KG SUR SCÈNE

Au travers de la discipline on s’entraine et on mange beaucoup toute l’année on a donc des poids qui ne sont pas traditionnels. On a des poids qui sont calculés en fonction d’objectifs, fixés pour une catégorie visée.

En temps normal mon poids hors saison tourne entre 125 et 130Kg. Mon poids sur scène en fonction du physique que je veux présenter se situe autour de 103Kg et peut monter jusqu’à 112Kg.

C’est en fonction de l’objectif que je me donne : soit être plus imposant sur scène et donc moins sec ou bien plus sec et donc forcément moins imposant.

 

MES RÉCOMPENSES

Je suis actuellement champion de France en titre, en poids super lourd. Récompense obtenue au mois d’avril.

J’ai un titre international, celui des jeux méditerranéens en 2013. Cette compétition rassemble l’ensemble des pays qui ont une sortie sur la Méditerranée.

En 2014, J’ai terminé 6ème au championnat d’Europe.

7ème au championnat du monde en 2016.

J’ai également plusieurs titres de vice champion de France et vice champion d’Europe 2017 en équipe.

 

POUR RÉUSSIR 3 CRITÈRES  ESSENTIELS

L’ALIMENTATION, le MENTAL et la PERSÉVÉRANCE sont les mots clefs qui vont emmener à un résultat.

Ces 3 critères sont valables pour un athlète qui prépare une compétition mais aussi pour une personne lambda qui souhaite obtenir un physique plus abouti qu’elle n’avait avant de commencer.

Il faut mettre l’ensemble de ces éléments en route. Si ces 3 éléments ne sont pas réunis, les résultats seront très difficiles à obtenir.

 

PROCHAINS OBJECTIFS

Je me prépare pour participer au grand prix international IFBB « The Belt and Road »  qui a lieu en Chine au mois de septembre.

Pour mes premières compétitions, j’ai pris du temps, je ne savais pas encore comment mon corps allait réagir.

Aujourd’hui, quand je me prépare pour une compétition c’est 6 mois avant si je n’ai rien fait, si j’ai laissé mon corps au repos.

Je sors d’une série de 3 compétions qui ont eu lieu dernièrement en mars et avril. La Chine est au mois de septembre, je n’ai pas 6 mois pour me préparer, même si je me suis relâché depuis ces dernières compétitions. Mais mon physique ne s’est pas détérioré au point que j’aie besoin de tout ce temps.

Je peux me préparer tranquillement.

Quand je parle de 6 mois avant une compétition, ce n’est pas 6 mois de régime, c’est 6 mois de préparation. Dans les premiers mois il n’y a pas un objectif de « sèche », je mets en place les sources majeures d’énergie indispensables à mon entrainement, je reprends un peu de poids, je remets mon organisme en route pour qu’il accepte et assimile tout le travail à venir, pour être bien dans l’entrainement, pour me reposer convenablement, je remets tout en place.

 

TOUT EST DANS L’INTENSITÉ

La différence entre mon travail hors compétition et en préparation pour une compétition, c’est l’intensité.

Plus tu surprends ton corps quand tu t’entraines avec une intensité plus importante que d’habitude plus il va devoir activer sa vitesse de métabolisme pour brûler les graisses. En parallèle tu baisses le nombre de calories pour t’emmener à un physique différent.

 

LE BODYBUILDING VU DE L’EXTERIEUR

On est loin derrière ce qu’on peut voir aux Etats Unis, en Asie, au Moyen Orient. Dans ces régions du monde, la vision des gens qui font du bodybuilding est respectueuse.

En France la vision du bodybuilding n’est pas valorisante.

Depuis peu ça va un légèrement mieux. Ce n’est pas du à un changement de mentalité mais plutôt à l’apparition de nouvelles catégories lors des compétitions. Ces nouvelles catégories ont une apparence plus « humaine », moins spectaculaire, et très jolie.

Les compétiteurs dans la catégorie  [men physique]  sont des gens au physique vraiment sec sans être très gros. Ils ne sont pas volumineux, ils approchent du standard traditionnel.

Chez les filles dans la catégorie  [bikini],  pas de graisse, de l’allure, elles sont sportives sans être ultra-musclées.

Ces nouvelles catégories visent à apaiser le regard critique qu’ont, particulièrement, les Français.

En ce qui concerne les catégories extrêmes du bodybuilding où les compétiteurs doivent être le plus gros et le plus sec possible, en gardant l’idée d’un travail esthétique, les mentalités n’ont pas évolué.

La France est un des rares pays européens dont le ministère de la jeunesse et des sports ne reconnaît pas ce sport. Nous sommes pourtant un sport olympique.

Ne pas être reconnu comme sport d’état empêche d’avancer. C’est d’autant plus incompréhensible quand la pétanque et le curling sont des sports reconnus par le ministère de la jeunesse et des sports.

 

CETTE DISCIPLINE S’APPARENTE À UN ART ET NON UN SPORT

Cependant ? Je ne considère pas cette discipline comme un sport, pour 2 raisons principales.

La première raison est que contrairement à n’importequel sport, ce que l’athlète va faire dans la semaine pour s’entrainer, ne sera pas reproduit le jour d’une compétition de culturisme.

Un joueur de foot va taper dans un ballon toute la semaine, va faire du physique toute la semaine et quand il sera en match de foot, il fera pareil, il fera du physique, il tapera dans un ballon. Ce sera pareil pour les autres sports.

Dans notre discipline on s’entraine avec des poids, des altères, des barres mais sur scène il n’y a rien de tout ça, c’est juste la présentation d’un physique qui a été changé avec l’outil musculation.

La seconde raison concerne la préparation de tous les sports sans exception.

Cette préparation emmène l’athlète dans un état de condition physique, de fraicheur, de motivation avec tous les paramètres de puissance et de force dans le meilleur état possible. Le jour de la compétition n’importe quel sportif doit être en super forme.

Nous c’est le contraire. Plus on est proche de la compétions plus on va dans une fatigue très avancée. Cette fatigue n’est pas voulue, c’est la conséquence de notre restriction alimentaire. Le jour de la compétition on est complètement épuisés, on n’a plus de force du tout.

C’est un paramètre important à souligner, pour une activité sportive en compétition c’est assez paradoxal de savoir que l’athlète sue scène présente un physique qui parait être viril et sportif mais qui en réalité est très fatigué.

Je considère le Culturisme plus comme un art. C’est une activité non naturelle. Notre corps naturellement n’est pas comme celui qu’on peut voir sur scène. On va y parvenir au travers des artifices : entrainement, alimentation, hygiène de vie.

On présente quelque chose d’artistique avec le nombre d’or comme règle principale et avec des critères bien précis.

La peinture, tu peux l’aimer ou pas mais ce n’est pas naturel, c’est un art. Les bruits de la nature existent mais ce qu’on appelle musique ce n’est pas naturel non plus, c’est un art.

Nous c’est pareil, en amont d’une présentation physique on travaille avec des poids et des altères ce qui en fait de l’activité physique, le moyen de parvenir à cette transformation.

Beaucoup d’athlètes ne partagent pas cet avis mais pour moi cette discipline est un art et non pas un sport.

 

MES CONSEILS AVANT DE VOULOIR MONTER SUR SCENE

Avoir une grande volonté, être déterminé.

Pars voir des compétitions, discute avec les athlètes sur place, entends leur feeling, regarde les différents physiques. Vois si ça te plait vraiment.

Cette activité va te prendre énormément de temps, tu vas passer des journées, des mois des années entières avant de te fabriquer un nouveau physique. C’est long, cela ne vient pas du jour au lendemain.

Sache aussi que c’est très coûteux. Tu manges spécialement, tu prends des compléments vendus en pharmacie ou en salle de sport : protéines, acides aminés, BCA, glutamines, des tas de compléments alimentaires qui en temps normal ne sont pas nécessaires, mais sont indispensables pour nous.

Un gros budget à prévoir et les compétitions ne rapportent rien.

Je conseille d’être accompagné par des professionnels qui sauront t’éviter de faire des erreurs, qui pourraient être préjudiciables, qui pourraient emmener des blessures graves ou des désillusions importantes.

Comme je l’ai déjà dit c’est un sport d’égoïste, il faut prendre en compte notre cadre de vie, si on est en couple, si on a des enfants. Etre bien encadré par des pro peut éviter des erreurs sournoises par non connaissance.

Ces erreurs peuvent amener à un échec dans la vie professionnelle, dans la vie privée par des séparations, des enfants tristes de ne pas voir leur papa ou leur maman.

C’est une belle passion mais c’est compliqué.

Un professionnel qui pourra t’aider, n’est pas forcément un athlète qui a de nombreuses compétitions mais plutôt une personne qui aura de l’expérience, des compétences et des connaissances.

On va jouer avec ton corps et ta santé, il faut être prudent.

 

SPORT D’ÉGOÏSTE

Dans la vie on a des contraintes sociales.

Quand on est en préparation on se met en marge, on se désocialise.  On besoin d’une alimentation différente, besoin de repos, de beaucoup d’heures à s’entrainer. C’est assez difficile à vivre socialement et j’en souffre évidemment.

 

J’AI DES DOULEURS LIÉES A MON AGE

Je n’ai pas de problème de santé lié spécifiquement au culturisme. J’ai des douleurs comme tout le monde, douleurs liées à mon âge, à un entrainement intensif.

Mais ce que je peux dire c’est que si cette activité est bien travaillée, avec du savoir faire et pas uniquement du feeling elle épargne les physiques. Pour preuve, les athlètes d’aujourd’hui qui ont plus de 70 ans avec un état de fraicheur bien meilleur que certaines personnes sans activité physique et qui ont 30 ans de moins.

J’ai la chance de vivre là où j’ai passé ma jeunesse, je rencontre des amis avec qui j’étais en primaire, au lycée ou au collège, des sportifs ou non avec une hygiène de vie traditionnelle. J’ai moins mal qu’eux. Je suis content d’être comme je suis. Aujourd’hui.

 

JE PEUX PAS ME CACHER

Le travail sur mon physique c’est avant tout pour monter sur scène et plaire aux juges. Ce n’est absolument pas pour me montrer dans la vie courante. Le regard des autres sur moi dans la rue est globalement gênant. Je fais quand même 130Kg avec des volumes dessinés c’est assez difficile de me cacher !

 

EN CONCLUSION

C’est un sport de riche pratiqué par les pauvres.